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L’EXPÉRIENCE DU DOCTEUR HEIDEGGER

bientôt un indéfinissable phénomène se produisit : les pétales aplatis et desséchés parurent se gonfler, se ranimer et prendre une teinte rosée, comme si la fleur se réveillait du sommeil de la mort, les petites branches de feuillage commencèrent à verdir comme si une sève inconnue courait dans toutes les fibres, la transformation s’accomplissait à vue d’œil, et, en quelques secondes, la rose d’un demi-siècle parut aussi fraîche que le jour où Sylvia Ward l’avait détachée de son corsage pour la donner à son bien-aimé. Elle était à peine épanouie et ses feuilles délicates, d’un rose pâle, s’arrondissaient autour de son calice humide où perlaient deux ou trois gouttes de rosée, étincelantes et limpides.

— Ah ! c’est véritablement une charmante surprise, s’écrièrent les amis qui avaient attentivement suivi cette expérience, en modérant toutefois les élans d’un enthousiasme peut-être déplacé, car ils avaient été témoins de scènes de physique amusante et de prestidigitation plus prodigieuse encore que la résurrection d’une fleur.

Mais le docteur ne remarqua pas leur indifférence, il respirait le suave et doux parfum de la rose, comme si elle eût gardé un souffle de l’haleine embaumée de sa fiancée, qui avait déposé un baiser sur elle avant d’exhaler son dernier soupir.

Les auditeurs attentifs semblaient attendre une explication.