Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/126

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
118
CONTES ÉTRANGES

s’élevait le buste d’Hippocrate qui semblait le dieu protecteur de cette étrange demeure, et pour lequel le docteur avait une prédilection particulière. Il ne manquait jamais de le consulter dans les cas épineux, et ses aphorismes l’avaient souvent tiré d’un pas difficile. Dans le coin le plus obscur de la chambre se trouvait une armoire également en chêne, affectant la forme d’une boîte d’horloge et dont la porte entr’ouverte laissait apercevoir un squelette humain ; entre deux des casiers on voyait un grand miroir terni par la poussière, et dont le cadre paraissait avoir été doré. Les bonnes âmes de l’endroit affirmaient par serment que les ombres de ceux que le docteur avait envoyés dans l’autre monde lui apparaissaient dans ce miroir, quand il lui prenait la fantaisie d’y regarder. Le panneau qui lui faisait face était occupé par le portrait en pied d’une jeune femme dont le visage n’était pas moins flétri que son costume de satin et de brocart par suite de l’humidité qui avait altéré la peinture. La tradition rapporte, au sujet du portrait, qu’il y a un demi-siècle environ, le docteur Heidegger fut sur le point de se marier avec cette jeune dame. Le jour des fiançailles, elle ressentit une indisposition, et le docteur ayant consulté Hippocrate, son oracle ordinaire, lui administra une potion calmante dont elle mourut immédiatement.

Pour terminer cette description des objets qui encombraient le laboratoire, il nous reste à parler de ce qui en était la principale curiosité. C’était un livre énorme, semblable aux missels de l’église romaine, ou à une Bible monstrueuse, relié en maroquin noir, à fermoirs d’argent massif, et imprimé en caractères indéchiffrables et mystérieux. Le