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L’EXPÉRIENCE DU DOCTEUR HEIDEGGER

rité, de chauve-souris clouée à la porte, ni le classique crocodile au plafond, ni l’inévitable chouette empaillée, ainsi que l’attirail élémentaire de la sorcellerie ; le docteur méprisait ces moyens vulgaires, indignes de la science, et les laissait aux sorciers de profession qui n’ont rien autre chose à montrer. La vaste chambre qui lui servait à la fois de cabinet de travail, de salon, de salle à manger, de laboratoire, était dans un état de délabrement affligeant pour l’œil du visiteur. Autour des murs s’élevaient de massifs casiers de chêne surchargés de livres, de fioles, de cornues et d’instruments aux formes étranges. Dans la partie inférieure dormaient les in-quarto et les in-folio énormes. Malheur à l’imprudent qui s’avisait de troubler leur sommeil sans les précautions les plus minutieuses, car il était littéralement aveuglé, étouffé par les nuages épais de la plus vénérable des poussières scientifiques. Tout le reste était à l’avenant et offrait au regard un désordre pittoresque que l’art n’atteindra jamais. Au fond de la pièce, un immense fourneau ouvrait sa gueule noircie et paraissait attendre sa pâture ardente de charbon de terre. Un colossal soufflet de forge semblait là tout exprès pour lui servir d’appareil digestif, accroupi au milieu des alambics difformes, des cornues hydropiques, des tubes grêles et des serpentins qui disparaissaient à moitié dans le gouffre de la cheminée. C’est là que le savant docteur Heidegger préparait ses expériences qui faisaient l’admiration des académies. Tout en donnant un coup d’œil à son modeste repas qui cuisait paternellement à côté des poisons subtils et des métaux en fusion.

Au milieu de ce chaos, sur le haut d’un casier de chêne,