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LE TRÉSOR

nul soleil n’éblouit ces trois figures haletantes, nul éclat n’envahit la cuisine enfumée.

— Qu’est-ce là ? dit Tabitha, ajustant ses lunettes et levant la lampe ; Dieu me pardonne, c’est le coffre au chiffons de votre grand-oncle ?

— Le fait est que cela y ressemble assez, dit M. Brown.

Qui pourra peindre la douloureuse stupéfaction de Pierre devant le spectre de sa fortune évanouie ? Sa tête se perdait. Il y avait là l’ombre d’un trésor suffisant pour acheter la ville entière, et cependant un homme dans son bon sens n’en eût pas donné six pence. En effet, le coffre contenait pour plusieurs millions de titres de rente, de bons sur le trésor, etc., etc., dont l’émission remontait à plus d’un siècle ; des billets de mille livres mêlés à des assignats de deux sous et qui n’avaient alors guère plus de valeur.

— Voilà donc le fameux trésor, dit John Brown ; votre oncle, mon cher Pierre, faisait des spéculations du genre des vôtres : quand il vit le papier-monnaie perdre jusqu’à soixante-quinze pour cent, il se mit à l’accaparer dans l’espoir d’une hausse, mais le papier a continué à baisser jusqu’au jour où l’on n’a plus voulu le recevoir. Alors le vieux Pierre eut des millions dans sa caisse et pas un habit à se mettre sur le dos.

— Ah ! mon Dieu interrompit Tabitha, la maison va nous tomber sur la tête !

— Qu’elle tombe ! dit Pierre en s’asseyant, stupide, sur la fatale caisse.

— Non, mon vieux Pierre, dit John Brown, j’ai de la place chez moi pour vous et Tabitha, et même un caveau vide pour le coffre. Demain, nous essayerons de nous en-