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LE TRÉSOR

XVII

Il arriva que, par cette nuit affreuse, M. John Brown se trouva mal à l’aise, bien qu’il fut douillettement étendu sur son fauteuil et les pieds appuyés contre son garde-feu. C’était au fond une bonne pâte d’homme, quand les souffrances d’autrui parvenaient à traverser l’épais manteau dont il enveloppait sa prospérité. Ce soir-là, il avait beaucoup songé à son ancien associé, à ses étranges fantaisies, à l’entêtement de sa mauvaise fortune, à l’aspect délabré de sa maison, enfin à sa mine fatiguée lorsqu’il l’avait appelé à sa croisée.

Pauvre diable ! pensa M. John Brown, pauvre cerveau fêlé ! En souvenir de notre ancienne association, j’aurais bien dû prendre soin qu’il eût un abri plus confortable cet hiver.

Une fois sur ce terrain, l’imagination du vieux négociant galopa tellement que tout à coup il se leva brusquement et, malgré la rigueur du froid, résolut de se rendre immédiatement chez Pierre Goldthwaite. L’ouragan était dans toute sa fureur. Chaque sifflement de la tempête lui semblait un soupir du pauvre Pierre.

Tout étonné de sa sensibilité, M. Brown s’enveloppa de son manteau, s’entoura le cou d’un long cache-nez, et ainsi prémuni contre le froid, s’apprêta bravement à l’affronter.

Cependant le vent redoublait ses efforts : M. Brown venait de tourner le coin de la rue ou demeurait Pierre, lorsqu’une violente rafale le fit tomber la face sur un tas de neige, et se mit en devoir de l’ensevelir avec une si remar-