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CONTES ÉTRANGES

waite. La charpente était si frêle, depuis qu’à l’intérieur les murs d’appui avaient disparu, qu’il n’y aurait rien eu d’étonnant à ce que les murs rongés par la base écrasassent leur propriétaire en s’affaissant sur lui. Mais Pierre était trop agité pour que ce danger pût l’impressionner.

— Le vin, Tabby, cria-t-il, le vieux vin du grand-oncle, c’est maintenant qu’il faut le boire, ou jamais.

— La vieille se leva de son banc et, sans mot dire, plaça la respectable bouteille près de la lampe de cuivre, jusque-là le seul fruit de leurs recherches.

Pierre leva la bouteille, et, regardant à travers la vermeille liqueur, sa cuisine lui sembla resplendir d’une teinte dorée qui, enveloppant aussi la vieille servante, jetait de fauves reflets sur ses cheveux blanchis et changeait en vêtements splendides les guenilles dont elle était couverte.

— Monsieur Pierre, dit Tabitha, est-ce que vous voulez boire avant d’avoir trouvé le trésor ?

— Il est trouvé, s’écria fièrement Pierre Goldthwaite, et je ne m’endormirai pas sans avoir fait tourner la clef dans la mystérieuse serrure. Mais buvons d’abord !

Aussitôt dit, il fit, à défaut de tire-bouchon, sauter le goulot avec la fameuse clef, et remplit deux tasses à thé, sorties du buffet pour cette solennité, d’un vin pur et transparent, dont l’arome se répandit en un instant dans la chambre.

— Bois, Tabitha, dit Pierre ; Dieu bénisse l’honnête homme qui nous a conservé ce vin Allons ! je bois à la santé de Pierre Goldthwaite.

— C’est bien le moins, dit la vieille en vidant sa tasse.

Mais laissons-les achever leur bouteille et portons ailleurs nos regards.