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CONTES ÉTRANGES

Le père de Pierre avait ajouté foi à cette histoire au point de faire exécuter des fouilles dans ses caves ; Pierre lui-même se plaisait à croire à cette légende, et, au milieu de toutes ses tribulations, il se consolait en pensant que, lorsqu’il serait à bout de ressources, il pourrait reconstruire sa fortune en détruisant sa maison. Il faut croire cependant qu’il n’avait pas une bien grande confiance dans cette merveilleuse histoire, autrement il serait difficile d’admettre qu’il eût si longtemps laissé debout l’héritage paternel, puisque depuis bien des années déjà son coffre-fort était un meuble superflu.

Quoi qu’il en fût, l’instant critique était arrivé où, s’il tardait davantage à chercher son trésor, la maison risquait de passer à ses héritiers, ou, bien pis, à des mains étrangères, et avec elle les monceaux d’or qu’elle devait renfermer, jusqu’au jour où, ses murs tombant de vétusté, elle laisserait échapper ses rutilants trésors de quelque béante fissure, aux yeux ébahis des générations futures.

— Oui, cria de nouveau Pierre Goldthwaite, demain je me mets à l’ouvrage.

VI

Plus il y réfléchissait, plus le succès lui semblait assuré. Bien qu’à la fin de son automne, Pierre avait gardé toute la mobilité d’impression de la première jeunesse. Tout joyeux de la brillante perspective qui s’ouvrait devant lui, il se mit à cabrioler par la cuisine, en faisant avec ses jambes décharnées les plus risibles contorsions, riant et grimaçant comme un singe. Puis, au paroxysme de l’exaltation, il