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LE TRÉSOR

— Je ne dis pas le contraire, monsieur Pierre, dit Thabita, en enfilant son aiguille à contre-jour.

V

Thabita se rappela que Pierre faisait allusion à l’immense amas de métaux précieux qu’on disait exister quelque part dans la maison, soit dans un coin de la cave, dans l’épaisseur des murs, ou sous les parquets, soit dans quelque cachette, ou dans un recoin abandonné de la masure. Ce trésor, suivant la tradition, avait été amassé par un des ancêtres de Pierre Goldthwaite, dont le caractère avait, paraît-il, une grande similitude avec celui de notre héros. Comme lui, c’était un enragé dissipateur, parlant toujours d’amasser l’or par boisseaux et par charretées, mais incapable d’amasser écu par écu. De même que ceux de notre Pierre, tous ses projets avaient successivement échoué, et sans la mystérieuse spéculation qui l’avait si fort enrichi, il n’eût pas conservé seulement un habit et un pantalon pour couvrir sa maigre personne. Il courait les bruits les plus divers sur la nature de cette fameuse entreprise : l’un prétendait qu’il avait trouvé le grand œuvre ; un autre qu’il avait par magie fait sortir l’or de la poche des autres pour le faire entrer dans ses coffres ; un troisième, enfin, donnait une version plus merveilleuse encore. Il prétendait que le diable lui avait permis de puiser à même ses trésors. Cependant, il paraît qu’un secret obstacle l’avait empêché de jouir de ses richesses, qu’un motif quelconque l’avait porté à les cacher à son héritier, et qu’en tout cas il était mort sans faire connaître l’endroit où il les avait déposées.