Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/77

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moi, y trouvent un tas d’anciens camarades. Maintes fois, les soirs d’hiver, il me tarde d’être parmi eux ; car il est assez triste, pour un pauvre vieux solitaire tel que je suis, de branler, de la tête heure après heure sans autre compagnie que le tuyau de son calorifère… Soit en été, soit en hiver, ma ferme se recommande par bien des mérites… Et l’automne, donc ? quoi de plus agréable que de passer une journée le dos contre un mur de grenier ou un chantier de bois, du côté où donne le soleil, à bavarder avec quelque vieille tête du même âge, ou peut-être à tuer le temps avec un honnête idiot dont les Yankees laborieux n’ont pas su tirer parti et qui a dû à leurs dédains les moyens d’apprendre à fond la paresse ?… Croyez-moi, miss Hepzibah, je compte passer dans cette ferme — que tant d’imbéciles appellent la Maison-de-Travail — un meilleur temps que je n’en ai connu de ma vie… Mais vous, jeune femme encore, vous n’en êtes pas réduite à venir m’y trouver… Il vous arrivera certainement beaucoup mieux. »

Dans la physionomie et l’accent de son vénérable ami, Hepzibah s’imagina qu’il y avait quelque chose de particulier ; elle se l’imagina d’autant mieux qu’elle contemplait son visage avec une ardeur passionnée, cherchant à y deviner le sens caché des paroles qu’il venait de prononcer. La plupart des individus aux prises avec une situation critique, sont ainsi dupes des mirages de l’espérance, et se complaisent en rêves d’autant plus splendides que la réalité leur manque complètement pour asseoir des hypothèses favorables quelque peu sensées. Tout en menant à terme le plan de sa petite industrie, Hepzibah, — sans vouloir s’ar-