Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/7

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de son cheval, jetait un regard sombre sur cette scène tragique, — Maule l’apostropha du haut de l’échafaud et articula ces paroles prophétiques, conservées par l’histoire du temps aussi bien que par les traditions du foyer : — « Dieu lui donnera du sang à boire ! » s’écria le condamné désignant du doigt, par un geste sinistre, son ennemi un moment déconcerté.

Après la mort de ce prétendu sorcier, le colonel Pyncheon n’eut pas grand’peine à se faire adjuger ses dépouilles. Mais lorsque le bruit se répandit qu’il voulait faire construire un hôtel, — un hôtel spacieux et solide, en beau bois de chêne, fait pour abriter mainte et mainte génération, — sur l’emplacement occupé jadis par la misérable hutte de troncs d’arbres que Matthew Maule s’était construite, on ne parla guère de cette résolution, dans les commérages de la petite ville, qu’à voix basse et en secouant la tête. Sans mettre précisément en doute la conscience et l’intégrité de l’austère puritain, on le trouvait imprudent de bâtir sa maison sur une tombe sans repos : le fantôme du supplicié aurait ainsi une espèce de droit sur les appartements nouveaux, sur les chambres où les fiancés à venir conduiraient leurs jeunes femmes et où devaient naître les enfants issus du sang des Pyncheon. Dans le plâtre frais des murailles se glisserait la subtile infection de la demeure souillée qu’on allait ainsi remplacer. Et pourquoi, — sur ce sol dont une si grande partie était encore couverte par les feuilles amoncelées de la forêt séculaire, — pourquoi choisir un site déjà frappé de malédiction ?

Mais ni la crainte d’un fantôme, ni aucunes puériles considérations de sentiment, si spécieuses qu’elles