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minces tellement fragiles qu’on ne s’expliquait pas la longue existence de cet antique guéridon. Une demi-douzaine de chaises tapissaient la chambre, anguleuses et roides, ingénieusement combinées pour donner la plus grande somme de malaise possible à quiconque s’y voulait asseoir, fatigantes pour le regard lui-même et donnant une fort mauvaise idée de la société aux besoins de laquelle avaient pu s’adapter de pareils meubles. Au milieu d’elles brillait par le contraste un fauteuil suranné, à dossier haut, orné de sculptures compliquées, mais dont les bras élargis compensaient par leur vaste capacité le manque de ces courbures artistiques mises par les tapissiers modernes au service de notre paresse.

Quant au mobilier purement décoratif, il consistait, si nos souvenirs sont fidèles, en deux articles seulement. L’un était une carte des « territoires » jadis concédés aux Pyncheon, exécutée à la main par quelque ancien dessinateur dont l’habile crayon y avait dispersé, par manière d’arabesques, des Indiens fabuleux, des monstres sauvages au nombre desquels se remarquait un lion, tant l’histoire naturelle de ces régions était alors peu connue des géographes naïfs qui essayaient de la décrire. L’autre cadre renfermait le portrait du vieux colonel Pyncheon, presque de grandeur naturelle, représentant un personnage à la mine puritaine, aux traits sévères, en chapeau à coiffe ronde, rabat de dentelles, barbe grise, tenant la Bible dans une main et de l’autre soulevant une épée à poignée de fer. Ce fut en face de ce portrait que miss Hepzibah Pyncheon vint s’arrêter, une fois entrée ; elle le contemplait avec un bizarre froncement de sourcils qu’on aurait pu pren-