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maison pour mes enfants — de me conformer, en un mot, aux lois et usages d’une société pacifique. Votre équilibre sera plus puissant que toutes mes tendances oscillatoires.

— Je ne voudrais pourtant pas qu’il en fût ainsi, dit Phœbé fort sérieusement.

— M’aimez-vous ? demanda Holgrave… Si nous nous aimons, tous ces vains propos sont inopportuns…. Savourons, et sans songer à autre chose, cette minute bénie… M’aimez-vous, Phœbé, m’aimez-vous ?…

— Vous lisez dans mon cœur, dit-elle baissant les yeux… Vous le savez donc bien, que je vous aime ! »

Et ce fut à cette heure si remplie d’anxiété et de terreur, que s’accomplit le miracle sans lequel toute existence humaine a manqué son but. La félicité complète, — qui rend toutes choses vraies, belles et saintes, — rayonnait autour de ce jeune homme et de cette jeune fille. Pour eux, en ce moment, rien de triste, rien de flétri par l’âge. La terre redevenait un Éden, un Éden où personne n’avait habité avant eux. Le mort, assis à quelques pas, était oublié. En une crise semblable, la Mort n’existe plus ; l’immortalité, qui nous est révélée à nouveau, enveloppe tout de son atmosphère sacrée. Mais ce songe ailé, un moment perdu dans l’espace, allait pesamment retomber à terre.

« Écoutez ! murmura Phœbé… Il y a quelqu’un à la porte de la rue.

— Eh bien, dit Holgrave, allons maintenant au-devant du monde. Le bruit a sans doute déjà circulé que le juge Pyncheon était venu par ici. Combinée avec la fuite d’Hepzibah et de Clifford, cette rumeur