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de l’Est, il ne vit rien de mieux à faire, pour s’enrichir, que de percer une porte de boutique au front même de sa résidence patrimoniale. À la vérité, les négociants d’alors entreposaient volontiers leurs marchandises dans leur maison, dont ils faisaient ainsi un comptoir ; mais il y avait quelque chose de déplorablement mesquin, pour ce vieux Pyncheon, dans un pareil début commercial ; on se disait tout bas que, « de ses mains à manchettes, il rendait sans hésiter la monnaie d’un shilling et qu’il y regardait à deux fois avant d’accepter un half-penny, pour s’assurer que la pièce était bonne. » Évidemment, par quelque canal qu’il fût arrivé dans ses veines, son sang était celui d’un misérable brocanteur.

Aussitôt après sa mort, la porte de boutique avait été fermée, verrouillée, barrée, et ne s’était sans doute plus ouverte jusqu’à l’époque où se passèrent les faits que nous allons raconter. Le vieux comptoir, les rayons et les autres aménagements du petit magasin étaient demeurés dans l’état où le noble trafiquant les avait laissés. On faisait volontiers courir le bruit que cet Harpagon, une perruque blanche sur la tête, sur le dos un habit de velours déteint, un tablier noué autour de la taille et ses manchettes soigneusement relevées autour de ses poignets, se pouvait entrevoir toutes les nuits, par la fente des volets, fouillant sa caisse ou s’absorbant dans la lecture de son livre-journal aux feuillets jaunis. D’après l’expression d’inexprimable tristesse qui se lisait sur son visage, il avait pour châtiment éternel l’inutile recherche d’une balance impossible.

Ici commence notre récit — et fort humblement, on le va voir.