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point de rencontre de deux pignons. On les appelle « le Bouquet d’Alice. » La tradition veut, en effet, qu’une certaine Alice Pyncheon ait jeté là, par manière de plaisanterie, une poignée de graines, fertilisées depuis par la poussière de la rue et les détritus du toit, alors qu’Alice était déjà couchée au fond de la tombe. Quelle que fût l’origine de ces fleurs, on ne remarquait pas sans un intérêt à la fois triste et doux cette adoption que la nature semblait avoir faite de la vieille maison rouillée, délabrée, désolée, de la famille Pyncheon, et la peine que chaque été semblait se donner pour la revêtir d’une beauté nouvelle.

Un autre trait fort essentiel, mais qui va peut-être porter dommage à l’effet poétique de notre esquisse, c’est que, dans le pignon de la façade, à l’ombre de ce second étage projeté en avant, et de plain pied, sur la rue, se trouvait une porte de boutique horizontalement coupée au milieu, et dont une fenêtre formait le compartiment supérieur, suivant une mode fréquemment adoptée pour certains bâtiments d’ancienne date. Cette porte de boutique avait été pour l’habitante actuelle du majestueux hôtel Pyncheon, — et aussi pour quelques-uns de ses prédécesseurs, — une occasion de mortifications assez vivement ressenties. J’aborde ici un sujet délicat, mais puisque après tout, je ne puis le céler au lecteur, je lui laisserai entendre qu’il y a quelques cents ans, le chef de la famille Pyncheon se trouva aux prises avec de sérieuses difficultés financières. Cet individu (qui se qualifiait de gentleman) s’était sans doute frauduleusement faufilé dans une si noble lignée ; car, au lieu de demander une place au Roi ou à son représentant, au lieu de poursuivre ses droits héréditaires sur les territoires