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question, même dans le secret de leurs pensées. S’il en est ainsi maintenant, après que tant de préjugés antiques ont été abolis, c’était encore bien autre chose dans les temps antérieurs à la Révolution, alors que l’aristocratie pouvait impunément afficher ses dédains, alors que leur abaissement suffisait aux classes inférieures. Les Maule, donc, pour un motif ou pour un autre, gardaient au fond de leur âme les ressentiments qu’ils pouvaient éprouver encore. En général, ils étaient pauvres ; toujours plébéiens et perdus dans la foule ; travailleurs assidus, mais mal récompensés ; tantôt marins, tantôt porte-faix sur les quais, vivant çà et là par la ville, dans de misérables garnis, et finalement à l’hôpital, séjour obligé de leur vieillesse. Enfin, après avoir longtemps et obscurément côtoyé l’abîme ténébreux, ils y avaient disparu pour tout de bon, ainsi qu’il arrive infailliblement tôt ou tard aux familles de mendiants comme aux races princières. Depuis trente années on ne retrouvait aucune trace de la postérité de Matthew Maule, ni dans les archives municipales, ni sur les ardoises du cimetière, ni au bureau de poste, ni dans la mémoire des hommes. Peut-être le sang de cette race coulait-il encore ailleurs ; mais dans la ville même dont il avait si longtemps arrosé les bas-fonds, l’humble ruisseau semblait tari.

On avait toujours parlé de leur réserve héréditaire, comme d’un trait distinctif qui les mettait à part du reste des hommes, et traçait autour d’eux une espèce de cercle magique impénétrable à leurs compagnons de travail, vainement attirés au début par des dehors assez francs et assez obligeants. C’était peut-être cette indéfinissable particularité qui, les isolant de toute aide