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services, de l’autre cette atteinte isolée à la loi morale, déclarerez-vous l’équilibre rompu au préjudice du digne magistrat ? Ce serait, en vérité, trop de rigueur ; tout au moins a-t-il le droit de le croire, — et de conserver jusqu’au bout l’illusion qui le rend irréprochable à ses propres yeux !

Tout ceci dit, revenons au juge Pyncheon, si rudement apostrophé par Hepzibah. — C’était sans préméditation, et à sa grande surprise, qu’elle venait de donner ainsi carrière à un ressentiment invétéré, nourri par elle depuis une trentaine d’années contre son puissant et vénéré cousin.

Jusqu’alors la physionomie du Juge n’avait exprimé qu’une douce indulgence, — une protestation grave et modérée contre les inconvenantes violences que se permettait sa cousine, — une disposition toute chrétienne à lui pardonner spontanément le tort qu’elle lui faisait en parlant ainsi. Mais lorsque ces paroles irrévocables lui eurent échappé, il reprit son air sévère qui exprimait, avec le sentiment de sa puissance, une implacable résolution, et le changement s’accomplit d’une façon si naturelle, si bien ménagée, qu’aux yeux d’un spectateur peu attentif la métamorphose eût passé inaperçue. Telle se montre tout à coup la cime sourcilleuse d’un rocher à pic, lorsque s’écarte la légère vapeur qui en voilait les rudes contours et leur prêtait des teintes plus douces. Hepzibah se figura presque, pendant un instant, qu’elle avait déchargé l’amertume de son cœur, non pas sur le Juge, son contemporain, mais sur leur ancêtre le Colonel. Jamais, en effet, le juge Pyncheon n’avait ressemblé comme en ce moment au portrait farouche du vieux Puritain.