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le ciel s’est plu à me combler ? Croyez-vous que je ne me réjouisse pas, comme vous, de ce que — conciliant les droits de la justice publique avec ceux de l’infortune, — on a pu rendre à la vie, aux jouissances qu’elle lui promet encore, cet ami de ma jeunesse, cette nature d’élite, notre Clifford, enfin, dont le crime, s’il existe, fut expié par tant d’infortunes ?… Ah ! que vous me connaissez peu, cousine Hepzibah !… Quelle injure vous faites à mon coeur ! dans quel oubli vous tenez ces larmes que j’ai si longtemps versées sur le malheur de Clifford !… Voyez comme elles coulent encore !… C’est en leur nom, Hepzibah, que je vous adjure de revenir sur ces préjugés hostiles qui vous font croire à mon inimitié… Mettez-moi donc à l’épreuve, chère cousine !… Vous saurez à quoi vous en tenir sur la sincérité de Jaffrey Pyncheon.

— Par le ciel, s’écria Hepzibah, dont ce précieux attendrissement d’une nature austère sembla redoubler l’indignation… Au nom de Dieu, — que vous insultez, et dont je serais tentée de mettre en doute la puissance, puisqu’il vous entend proférer tant de mensonges sans paralyser votre langue, — cessez, je vous en supplie, cette révoltante affectation de tendresse pour votre victime !… Vous haïssez Clifford… Montrez-vous homme, et dites-le tout haut !… En ce moment même, vous nourrissez au fond du cœur quelque sinistre pensée !… Convenez-en, exprimez-la de suite ! — ou, si cela peut servir vos projets, gardez du moins le silence jusqu’au moment de proclamer votre triomphe !… Mais ne parlez plus de votre affection pour mon pauvre frère ; je ne puis tolérer ceci. Je me sens prête, devant une pareille hypocrisie, à méconnaître