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En face de ces deux individus, je n’éprouve pas, comme vous, le besoin de leur venir en aide ou de les préserver, mais bien celui de les examiner, de les analyser, de me les expliquer à moi-même, et de comprendre le drame qui pendant près de deux cents ans s’est lentement déroulé sur le terrain que nous foulons, vous et moi. S’il m’est donné d’assister au dénouement, je suis certain, quel qu’il soit — joyeux ou tragique, — d’en tirer une satisfaction morale… Je suis intérieurement convaincu que la fin approche… Mais, bien que la Providence vous ait envoyée comme secours, — me réservant à moi une simple mission de spectateur privilégié, — je vous promets de prêter à ces infortunés toute l’assistance dont je dispose.

— Je voudrais vous entendre parler en termes plus nets, s’écria Phœbé, perplexe et mécontente. Je voudrais surtout vous voir des sentiments plus dignes d’un chrétien et d’un homme. Est-il possible qu’on se trouve en face de gens malheureux sans désirer avant tout leur porter consolation et secours ?… Vous parlez de cette vieille maison comme d’un théâtre, et vous semblez envisager les malheurs d’Hepzibah et de Clifford, voire ceux des générations précédentes, comme une de ces tragédies que j’ai vu représenter par des acteurs ambulants… Celle-ci serait donc jouée pour votre amusement particulier ?… Je ne puis vous dire que cela me convienne. La pièce coûte trop cher aux acteurs, et l’auditoire est trop impassible.

— Vous êtes sévère, dit Holgrave, forcé de reconnaître un certain degré de vérité dans cette piquante esquisse de ses propres dispositions.

— Et puis, continua Phœbé, pourquoi vous dites--