Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/244

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donné de produire avec plus de facilité que personne, ainsi qu’il l’avait dit lui-même à Phœbé. Un voile commençait à s’enrouler autour de celle-ci, à travers lequel ses yeux ne voyaient plus qu’Holgrave, et qui ne laissait arriver jusqu’à elle d’autres idées, d’autres émotions, d’autre vie, en un mot, que celle de la fascination involontaire. Il jetait sur elle, et malgré lui, des regards de plus en plus concentrés ; dans son attitude se trahissait la conscience de l’ascendant qu’il exerçait sur elle. Il était évident qu’avec un seul geste auquel correspondrait un effort de sa volonté, il pourrait s’emparer de l’esprit de Phœbé, de cet esprit virginal, libre encore de toute influence : sur cette bonne, pure et simple enfant, il pouvait asseoir une domination aussi dangereuse — et peut-être aussi désastreuse — que celle dont le charpentier de sa légende s’était prévalu contre la malheureuse Alice.

Pour un naturel comme celui d’Holgrave, spéculatif et actif tout à la fois, il n’est guère de tentation plus irrésistible que l’occasion d’exercer son empire sur la volonté humaine ; — et pour un jeune homme il n’est guère d’idée plus séduisante que celle de voir dépendre de lui les destinées d’une jeune fille. Il nous faut donc, — malgré les défauts de sa nature et de son éducation, malgré son mépris pour les dogmes et les institutions publiques, — reconnaître chez le photographe une des qualités les plus rares et les plus élevées, savoir, le respect pour l’individualité d’autrui ; — reconnaissons-lui aussi une intégrité qui désormais lui méritera toute notre confiance, puisqu’il sut s’interdire d’ajouter, aux liens déjà formés, celui qui eût rendu indissoluble le charme contre lequel Phœbé luttait encore