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gaieté autour d’elle. « Alice, dansez ! » — Elle dansait, non pas ces lentes et graves figures des menuets de cour qu’on lui avait enseignées à l’étranger, mais une de ces gigues villageoises, un de ces rigodons bondissants qui vont bien aux alertes figurantes d’un bal rustique. Maule semblait ne vouloir, ni perdre Alice, ni lui infliger quelque grande infortune digne de pitié, quelque désastre investi d’une grâce tragique, mais au contraire, appeler sur elle une raillerie basse et méprisante. Aussi, perdant la dignité de sa vie, elle se sentait avilir, et eût volontiers changé sa destinée contre celle du plus misérable ver de terre !

Un soir, à un bal de fiançailles (non les siennes, car ainsi dépouillée de tout empire sur elle-même, se marier lui eût paru un péché), la pauvre Alice, à qui son invisible despote venait de faire signe, se vit contrainte de partir en toute hâte — sans quitter sa robe de tulle et ses souliers de satin — pour se rendre à travers rues jusqu’à l’humble habitation d’un artisan. On y riait, on y festoyait à grand bruit, car Matthew Maule, ce soir-là même, devait épouser la fille du maître de la maison, et avait convoqué l’orgueilleuse Alice Pyncheon pour qu’elle figurât auprès de sa fiancée comme demoiselle d’honneur. Ainsi fit-elle, et lorsque le mariage fut accompli, Alice s’éveilla de son sommeil magique. Mais alors, quitte de tout orgueil, — humblement, avec un sourire empreint de mélancolie, — elle embrassa la jeune femme de Maule et s’en retourna au logis paternel. C’était par une nuit orageuse ; sur sa poitrine mal défendue le vent du sud-est poussait un froid mélange de pluie et de neige ; ses souliers de satin furent bientôt traversés, pendant qu’elle se glissait le