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pas plus que l’invisible domination dont il semblait se prévaloir ainsi. Alice était assise dans l’attitude d’un profond repos ; et ses longs cils bruns voilaient ses yeux.

« La voilà, dit le charpentier… Parlez-lui, maintenant !

— Alice, ma fille ! s’écria M. Pyncheon. Mon Alice, ma chère enfant ! »

Mais elle ne bougea pas.

« Plus haut, dit Maule en souriant.

— Réveillez-vous, Alice, répéta son père d’une voix plus haute… Vous voir dans cet état m’est très-pénible ! Réveillez-vous donc !… »

Ainsi s’écriait-il d’une voix effrayée, et fort près de cette oreille délicate que le moindre bruit effarouchait naguère ; mais la voix paternelle, bien évidemment, n’arrivait pas jusqu’à miss Alice, et on ne saurait croire combien d’abîmes infranchissables cette impossibilité de se faire entendre d’elle plaçait entre le père et la fille.

« Mieux vaudrait essayer une méthode plus directe, dit Matthew Maule… Secouez-moi cette demoiselle, et sans vous gêner !… Si mes mains n’étaient pas endurcies par un trop fréquent usage des outils de ma profession, je ne demanderais pas mieux que de vous aider ! »

M. Pyncheon prit la main de sa fille et y posa ses lèvres avec toute l’ardeur de l’émotion subitement éveillée en lui. Dans ce baiser il y avait un tel battement de cœur, qu’elle ne pourrait manquer, pensait-il, de le ressentir. Puis, la trouvant toujours insensible, et irrité de la voir ainsi, le malheureux secoua la frêle enfant avec une violence dont il fut effrayé lui-même