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tre. Sa pensée était obsédée par le souvenir de tous les étranges récits qui attribuaient à ces Maule, — aussi bien au petit-fils, ici présent, qu’à ses deux ancêtres immédiats, — des dons surnaturels, des facultés surhumaines. La longue résidence que M. Pyncheon avait faite à l’étranger, ses rapports avec les beaux esprits à la mode, — courtisans, hommes du monde, libres penseurs, — avaient considérablement atténué en lui ces vieilles superstitions puritaines auxquelles ne pouvait absolument se soustraire, dans ces temps reculés, un homme né sur le territoire américain. Mais, d’autre part, une communauté tout entière n’avait-elle pas tenu pour sorcier le grand-père de Maule ? Le crime n’avait-il pas été prouvé ? Le sorcier n’avait-il pas expié ce crime sur l’échafaud ? et n’avait-il pas légué à son unique petit-fils la haine dont il était animé contre les Pyncheon ? Ce petit-fils, maintenant, allait faire subir à la fille de l’ennemi de sa maison une influence subtile dont il avait seul le secret. Cette influence ne pouvait-elle pas être la même à laquelle on donnait jadis le nom de sorcellerie ?

Se tournant alors à moitié, il entrevit dans la glace la figure et l’attitude de Maule. Debout à quelques pas d’Alice, et les bras levés en l’air, le charpentier semblait faire descendre sur la jeune fille une masse invisible qui s’abaissait lentement.

« Arrêtez, Maule, s’écria M. Pyncheon faisant un pas en avant… Je vous défends de continuer !

— Je vous le demande en grâce, mon bon père, n’interrompez pas ce jeune homme, dit Alice gardant la même attitude ; ses efforts, je vous assure, ne sauraient en rien me nuire. »