Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/232

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nemment efficace, je ne vois pas ce qui pourrait l’inquiéter.

— Il est certain, dit Alice avec toute la dignité de son âge et de sa condition, que la présence de mon père ne saurait me laisser aucune crainte. D’ailleurs, que peut redouter de qui que ce soit, et dans quelque circonstance que ce soit, une femme qui ne s’abandonne pas elle-même ? »

Pauvre Alice ! par quelle fatale influence se plaça-t-elle ainsi en antagonisme direct avec une force qu’il lui était interdit d’apprécier ?

« En ce cas, mistress Alice, reprit Matthew Maule, avançant un fauteuil, — et avec assez de grâce pour un ouvrier, — daignez seulement vous asseoir, et me faire ensuite la faveur insigne de fixer vos regards sur les miens ? »

Alice obéit. Elle était très-fière. À part tous les avantages qu’elle tirait de son rang, cette belle personne se sentait investie d’une puissance complexe qui la rendait inattaquable, tant qu’elle se resterait fidèle à elle-même. Peut-être aussi, son instinct lui révéla-t-il qu’une sinistre et mauvaise influence prétendait franchir les impénétrables barrières dont elle se croyait entourée, — et dans ce cas, sûre de la victoire, la lutte ne lui déplaisait pas. C’est ainsi qu’elle fut entraînée à ce conflit, presque toujours inégal, de la force féminine contre la force virile.

Son père, cependant, qui s’était discrètement détourné, s’absorbait en apparence dans la contemplation du paysage de Claude, mais, au fond, cette toile magique n’avait pas plus d’attrait pour lui, dans ce moment, que la muraille nue dont elle occupait le cen-