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entendait dire tout bas, par quelqu’un de ses auditeurs, — et moitié sérieusement, moitié pour rire : « C’est le sang de Maule qui le prend à la gorge ! » La mort soudaine de l’un des Pyncheon, survenue il y a près d’un siècle dans des circonstances analogues à celles qui avaient marqué le trépas du colonel, ajoutaient à l’opinion reçue un surcroit de probabilités. Et enfin on regardait comme suspect et de mauvais augure ce fait que le portrait du colonel Pyncheon, en vertu d’une des clauses de son testament, demeurât accroché aux murs de la chambre où il avait péri. Ses traits sévères, qui symbolisaient une inflexible, une dangereuse influence, semblaient la perpétuer en ce lieu et empêcher qu’aucune bonne pensée y pût jamais fleurir. Y a-t-il une superstition, — nous ne le croyons pas — dans cette idée (traduite ici par une image) que le fantôme d’un ancêtre défunt peut être condamné à devenir le Mauvais Génie de la famille, ce qui serait alors une partie du châtiment infligé au coupable.

Pour abréger, les Pyncheon vécurent pendant près de deux siècles au sein d’une communauté sobre, réservée, tranquille, attachée à ses foyers, dont ils prirent le caractère général, mêlé chez eux à une originalité bien marquée. Sous ce rapport ils étaient encore de leur ville où l’on trouve, dit-on, des individus plus singuliers, et çà et là des incidents plus étranges qu’il n’est aisé d’en rencontrer partout ailleurs. Pendant la Révolution, le chef de la famille, ayant pris parti pour la cause royale, fut quelque temps émigré ; mais il se repentit, et reparut à temps pour empêcher la Maison aux Sept Pignons d’être confisquée. Ensuite se produisit l’incident le plus tragique qu’on ait eu à inscrire