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blait bouleverser toutes choses autour d’elle, par son manque de respect pour les dogmes établis et les idées reçues, chaque fois que ces dogmes ou ces idées ne pouvaient justifier, à l’instant même, de leurs droits au respect universel.

De plus, elle n’entrevoyait dans son caractère aucun élément affectueux. Il était observateur trop calme et trop froid. Phœbé se sentait fréquemment sous son regard, — rarement, ou jamais, près de son cœur. Hepzibah et son frère, et la jeune fille elle-même, lui inspiraient à peu près le même genre d’intérêt. Il les étudiait avec une attention scrupuleuse, et ne laissait pas échapper le plus léger trait de leurs individualités respectives. Mais en somme, prêt à leur rendre une foule de services, il ne faisait jamais absolument cause commune avec eux, et ne témoignait en aucune façon décisive qu’ils lui devinssent plus chers à mesure qu’il les connaissait davantage. Dans leurs rapports mutuels, il semblait chercher une pâture pour son intelligence plutôt qu’un aliment pour ses facultés aimantes. Phœbé s’efforçait en vain de comprendre ce qui pouvait tant l’intéresser, soit en elle, soit chez leurs hôtes, — puisqu’en somme il ne prenait aucun souci d’eux et leur portait une affection si médiocre.

En causant avec Phœbé, l’artiste ne manquait jamais de la questionner sur la condition mentale de Clifford, qu’il voyait rarement en dehors des réunions du dimanche.

« Parait-il toujours heureux ? lui demandait-il un jour.

— Heureux comme un enfant, répondit Phœbé : mais comme un enfant très-facile à chagriner.