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avait rencontré si peu, elle accordait volontiers une affection respectueuse. Avec le tact, toujours en éveil, d’une sensibilité active et saine, elle discernait ce qui était bon pour lui et le faisait sans retard. Ignorante des corruptions morbides qu’avait pu jadis subir l’âme de cet homme, elle maintenait par là même — sans autre précaution, et par la liberté complète de sa conduite vis-à-vis de lui, — la pureté de leurs relations mutuelles. C’était, nous le répétons, une fleur placée dans le voisinage de Clifford, et dont il humait délicieusement les salutaires parfums.

Mais, il faut bien le reconnaître, la fleur commençait à dépérir, au sein de cette atmosphère épaisse. Phœbé devenait un peu plus pensive que jadis ; jetant parfois un regard oblique sur le visage de Clifford, elle se demandait ce qu’avait pu être l’existence d’un pareil homme. N’était-il pas autrefois différent de ce qu’elle le voyait aujourd’hui ? Portait-il dès sa naissance le voile impalpable étendu maintenant sur toute sa personne, — voile qui dissimulait le jeu de son intelligence, et à travers les mailles duquel il semblait discerner à peine les réalités de ce bas monde ? Était-ce au contraire un grand malheur qui avait ourdi ce tissu aux grises nuances ? Phœbé n’aimait pas les énigmes, et se serait volontiers soustraite à la nécessité de chercher le mot de celle-ci. Mais ses méditations sur le caractère de Clifford eurent ce bon résultat que, lorsque ses conjectures involontaires — jointes aux circonstances fortuites par lesquelles toute chose cachée tend à se révéler, — lui eurent peu à peu appris ce qui en était, cette découverte ne l’effraya pas autrement. De quelque injustice que le monde se fût rendu coupable