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fermée et à qui son âge interdit l’espoir de la vider jamais. Il comprenait le néant d’un amour tardif, avec cette délicatesse d’instincts qui avait survécu à sa décadence intellectuelle. Aussi, sans être tout à fait paternel, l’attachement qu’il portait à Phœbé n’était pas moins chaste que si elle eût été sa fille. Il restait homme, cependant, et Phœbé représentait pour lui le sexe féminin tout entier. Aucun des charmes de la jeune fille n’échappait à son regard attentif, ni ses lèvres mûres pour le baiser, ni l’ampleur naissante de son sein virginal. Toutes ses petites allures féminines, fleurs printanières de ce jeune arbre fruitier, avaient leur action sur les sens de notre épicurien, et portaient parfois au fond de son cœur une sorte de titillement voluptueux. En de pareils moments, — ce n’étaient presque jamais que des sensations éphémères, — l’engourdissement de cet homme s’emplissait d’une vie harmonieuse, comme la harpe longtemps muette s’emplit de vibrations, quand les doigts du musicien courent le long de ses cordes. Après tout, c’était plutôt une perception, une sympathie, qu’un sentiment faisant partie intégrante de son individualité. Il lisait Phœbé comme un simple récit rempli de détails charmants ; il écoutait Phœbé comme une strophe de quelqu’hymne céleste qu’un ange ému de pitié fût venu chanter dans la maison par l’expresse permission de Dieu, pour le dédommager d’une destinée aride et triste. Elle était pour lui, bien moins un fait actuel, que le symbole vivant de tout ce qui lui avait manqué sur la terre, un tableau mobile et coloré dont l’aspect consolant avait à ses yeux presque tout l’attrait de la réalité.