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aspérités, cherchaient à-se mettre en contact avec l’objet de ses préférences. L’homme, le sexe, de façon ou d’autre, perçaient un peu trop dans les démonstrations de ce genre que le Juge se croyait permises. Sous son regard les yeux de Phœbé se baissèrent, et, sans trop savoir pourquoi, elle se sentit rougir. Cependant elle avait reçu précédemment — et sans trop s’en formaliser, — les baisers d’une demi-douzaine de cousins, dont quelques-uns étaient plus jeunes que ce Juge aux noirs sourcils, à la barbe grise, à la cravate blanche, aux paroles mielleuses… Pourquoi cette exception en sa faveur ?

En levant les yeux Phœbé tressaillit, tant le visage du juge Pyncheon avait changé d’expression ; c’était comme un paysage dont le soleil a subitement disparu pour faire place à la tempête ; et encore la tempête est moins effrayante que ce nuage froid, implacable, qui était venu tout à coup voiler cette physionomie au large sourire.

« Mon Dieu ! mon Dieu ! que faire maintenant ? se demandait la petite campagnarde ; le voilà aussi âpre qu’un rocher, aussi aigre que le vent d’Est… Et pourtant je n’y entendais pas malice… Puisque en somme il est mon cousin, je voudrais bien n’avoir pas refusé son embrassade ! »

À ce moment même, la jeune fille constata que le juge Pyncheon, en personne, était l’original de la miniature que le photographe lui avait montrée dans le jardin, et que cette physionomie inflexible et sévère était justement celle que le soleil avait voulu révéler à toute force.

Était-ce donc là, non pas une expression éphémère, mais — nonobstant tous les soins pris pour le cacher,