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l’angle le plus retiré du jardin, un poulailler datant de fort loin ; il n’abritait pour le moment qu’un seul coq, ses deux femelles, et un pauvre petit poulet, seul de son espèce. Tous ces individus appartenaient à une race qui faisait partie de l’héritage Pyncheon, et dont les qualités originelles avaient dans le pays une réputation presque fabuleuse. À l’appui de cette renommée légendaire qui leur attribuait « la taille du dindon et le parfum du faisan, » Hepzibah aurait pu montrer une énorme coquille d’œuf, dont une autruche même n’aurait pas rougi. Quoi qu’il en soit, ces volailles n’étaient pas pour le moment plus grosses que des pigeons, et leur physionomie vieillotte, leur allure goutteuse, leurs gloussements mélancoliques et endormis attestaient une irrémédiable dégénérescence, — identiquement celle de mainte et mainte famille noble — rebelle aux efforts qu’on avait faits pour conserver leur race parfaitement pure. Attristées et lugubres, ces poules ne pondaient çà et là que pour conserver au monde l’admirable espèce dont elles étaient les échantillons privilégiés. Leur marque distinctive était une huppe, déplorablement diminuée dans ces derniers temps, mais où Phœbé retrouvait irrésistiblement, — et malgré tous ses remords de conscience, — le fantastique turban de sa cousine Hepzibah.

Elle courut au logis chercher quelques débris de pain, quelques pommes de terre froides et toute sorte de menus restes qu’elle jugea devoir convenir à l’accommodant appétit de ces nobles animaux. Le signal qu’elle leur jeta au retour semblait leur être déjà familier. Le poulet, se glissant à travers les barreaux de la mue, accourut à ses pieds avec une sorte de viva-