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tion idéale precise dans toutes les vaines abstractions de ses prédécesseurs Les perfections de « Madonna » et l’extase de son adorateur formaient le sujet d’interminables descriptions sans réalité, sans autre objet qu’elles-memes. Donner un contenu, un sens, a cette rhétorique creuse, voila ce que Guido Guinizelli a su faire: l’amour est l’attribut nécessaire et exclusif des coeurs bien nés, nobles et délicats ; il habite en eux comme l’oiseau dans le feuillage ; il en est aussi inséparable que le soleil l’est de sa splendeur. Ainsi s’établit une sorte d’identité entre l’amour et la noblesse du coeur, et en fin de compte il n’y a pas d’autre noblesse que celle-la.

La dame qui inspire cet amour idéal esl; quelque chose de plus que l’abrégé de toutes les perfections terrestres : elle est l’expression méme de la vertu, l’image d’une beauté surnaturelle, le reflet du Tout-Puissant. « Dieu, dit le poete, me reprochera sans doute, quand je comparaitrai devant lui, d’avoir osé le reconnaitre dans les traits d’une créature mortelle; mais je lui répondrai :

Tenea d’Angel semblanza
Che fosse del tuo regno ;
Non mi sie fullo s’io le posi amanza 1.

Telles sont les idées essentielles développées par Guido Guinizelli, dans sa belle canzone Al cor gentil ripara sempre Amore, a grand renfort de comparaisons subtiles, souvent gracieuses, parfois obscures, mais expressives et inconnues de la poétique purement chevaleresque. Cette métaphysique amoureuse, difficile et

1. « Elle ressemblait à un Ange de ton royaume : ne m’impute pas crime de m’être épris d'elle. »