Page:Hauvette - Littérature italienne.djvu/556

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
536
LITTÉRATURE ITALIENNE

il est arrivé à ce déséquilibré, d’écrire des vers libres d’une douceur idyllique dont on ne peut méconnaître le charme. Une sélection habile de son œuvre en a réuni les meilleures pages (Scritti scelti, 1917). — Sergio Corazzini, mort phtisique à vingt ans, a laissé un mince bagage poétique (Liriche, 1907 ; 2e éd. 1914), mais qui acquiert une réelle importance par la sensibilité très personnelle qui l’inspira. Sa mélancolie modeste, humble même, chante des douleurs obscures avec une douceur résignée : « Pourquoi m’appelles-tu poète ? je ne suis pas poète ; — je ne suis qu’un petit enfant qui pleure ; tu vois, je n’ai que des larmes à offrir au silence. Pourquoi m’appelles-tu poète ? » On discerne là comme un écho, un peu court de souffle, de la tendresse qu’avait Pascoli pour de très petites choses, pour des impressions d’enfant, dont il savait extraire toute l’émotion. Corazzini a frayé la voie aux poètes qu’on a plus tard qualifiés d’« intimistes », de « fragmentistes », de « crépusculaires » et il a exercé sur eux une incontestable influence.

Le plus célèbre de ces « crépusculaires », ou de ces « provinciaux », comme on les a encore appelés, est Guido Gozzano, piémontais, mort aussi de consomption (1883-1916). Ses Colloqui, par lesquels une place éminente lui est assurée par les poètes de ce début de siècle, étaient achevés dès 1910 (réimpression, 1925). Par la suite, il a surtout écrit en prose, notamment une relation, par lettres, d’un voyage dans l’Inde, publiée en 1917 (Vers le berceau du monde) et qui lui fait le plus grand honneur. Mais c’est dans ses Colloqui qu’il faut chercher le secret du charme qu’il n’a pas cessé d’exercer. Les pages les plus connues sont celles où Gozzano a vanté les charmes défraîchis des très vielles choses