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de celle-ci à travers sa nouvelle conquête ! Mais cette dernière quitte Rome brusquement, et le roman s’arrête. L’action aurait pu comporter facilement d’autres expériences. La même remarque s’applique au Triomphe de la Mort (1893), dont le héros, Giorgio Aurispa, partagé entre l’amour qui le lie à Ippolita et le désir de se délivrer de son joug, finit par se tuer avec elle. Le dénouement de ce conflit, décrit avec un rare talent, avec une incomparable richesse d’épisodes hauts en couleur, pourrait être précipité ou retardé sans le moindre inconvénient[1]. Il y a plus de logique dans le dénouement de l’Intrus (L’Innocente, 1892) – la mort froidement provoquée d’un petit enfant né d’une faute – ou dans Forse che si forse che no (1910), dont l’intrigue, singulièrement compliquée, a un tour fort mélodramatique assaisonné d’inceste, et s’achève par le vol héroïque d’un aviateur qui, cherchant la mort, accomplit une prouesse inattendue et reprend goût à la vie.

Tous ces romans se déroulent dans le cadre de paysages somptueux et magnifiquement décrits, ou plutôt rendus vivants par l’art prestigieux du poète : dans le Triomphe de la Mort, c’est Rome et l’Abruzze, dans Forse che si, c’est le paysage tragique de Volterra et l’élégante majesté des palais de Mantoue ; dans le Feu (1900), Venise et sa lagune jouent un rôle au moins égal à celui de Stelio Effrena, lequel, plus qu’aucun autre de ses frères, est d’Annunzio en personne : l’action s’efface ici devant l’évocation magistrale du paysage de la lagune, de l’art et de l’histoire de Venise vus à travers la pensée et le verbe prestigieux de l’artiste. Ailleurs, dans les Vierges

  1. La remarque est d’André Pézard, dans une suggestive étude consacrée à G. d’Annunzio romancier, insérée dans les Études Italiennes, t. VI (Paris, 1924), p. 147 et suiv.