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le lac de Lugano, avec sa grandiose couronne de montagnes, dont les aspects changeants, tour à tour radieux et menaçants, accompagnent toutes les vicissitudes[1], toutes les luttes des héros du roman. La forme a une aisance qui plaît, bien que Fogazzaro y abuse quelque peu du dialecte, ou plutôt des dialectes — le lombard et le vénitien — dans les dialogues : ceux-ci y gagnent sans doute en spontanéité, en intimité, en pittoresque ; mais l’effet d’ensemble est discutable.

Tous les romans de Fogazzaro sont loin d’être de la même force : Il mistero del poeta (1888) est d’un sentimentalisme qui parait désuet ; Leila, sa dernière œuvre (1911), est un peu fragmentaire, mais renferme quelques caractères attachants, et des caricatures de gens d’église ou se devine aisément une innocente intention de vengeance ; tous se lisent avec un vif agrément, malgré certaines longueurs, en raison de la vie qui y circule et de la générosité des pensées qui ont inspiré l’auteur.

Le roman, tel que d’Annunzio l’a conçu et réalisé, est un genre à part, qu’il convient de considérer en lui-même, sans essayer de le rattacher aux courants qui l’ont précédé ou suivi ; genre essentiellement lyrique, puisque, – on l’a souvent répété avec juste raison, – chacun de ses héros exprime un aspect de la personne du poète-romancier, ou tout au moins de ses aspirations ; mais ce caractère individuel de l’œuvre n’empêche pas celle-ci de renfermer quantité de souvenirs empruntés à Nietzsche, à Tolstoï, à Baudelaire, à Walt Whitman et à bien d’autres. Cette faculté qu’a eue d’Annunzio de s’assimiler parfaitement et de fondre de multiples emprunts pour en forger un métal nouveau qui a son timbre propre, ses résonances particulières, est un des

  1. Le texte donne vissicitudes