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langue littéraire, c’était la seule langue nationale possible. Nulle part le prestige de Rome, en dépit de la ruine de l’empire, n’était aussi vivant, aussi efficace qu’en Italie ; personne d’ailleurs ne voulait croire que cette ruine fut irrémédiable : Arnaud de Brescia, au milieu du xiie siècle, se flattait de rétablir à Rome les institutions républicaines, et deux siècles plus tard Cola di Rienzo partagea la même illusion. D’autre part si Rome n’était plus la ville des Scipions ni celle des Césars, elle était devenue celle des papes ; à ce titre, elle gardait, ou plutôt renouvelait son prestige de ville éternelle, de capitale universelle, et le latin restait nécessairement la langue de l’Église, comme il était aussi celle des lettrés, des juristes et des magistrats de tout ordre.

Le peuple, surtout dans l’Italie centrale, n’était pas incapable de suivre la lecture de prières ou d’actes rédigés en latin, tant était faible l’écart entre les parlers populaires et ce latin communément en usage. Ce n’est pas seulement que ces parlers eussent conservé avec une remarquable fidélité, dans leur ensemble, la forme des mots anciens ; mais ce latin d’usage courant n’avait plus rien de classique : il était tout pénétré d’éléments populaires, en particulier dans le vocabulaire et dans la syntaxe ; pour se familiariser avec sa terminologie et ses formules monotones, il n’était pas besoin d’un grand effort intellectuel. Parmi les causes principales de la tardive apparition de la langue vulgaire dans les documents qui nous sont parvenus, il faut sans doute placer au premier rang cette conformité relative du latin des notaires et de l’Église avec les parlers populaires.

Il convient d’ajouter qu’en Italie, au xiie siècle, l’instruction grammaticale n’était pas, comme en d’autres pays, le privilège exclusif des clercs. La société laïque,