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LE XVl1° srizcus 309 lequel il confond tous les temps releve de la pure bouf- fonnerie. Or le caractere le plus remarquable du poéme est le mélange constant de la caricature et du ton le plus grave, a tel point que certaines pages ne seraient pas tléplacées dans un poeme sérieux, et que les personnages vraiment chevaleresques y alternent avec les figures les plus grimacantes. Le genre imaginé par Tassoni est donc quelque chose de mixte, qu’il est difficile de définir d’un mot, car ce n'est ni la pure parodie du Scherno degli Dei, qui rabaisse tout ce qu’elle touche, ni l’ironie un peu froide du Lutrin, qui retrace avec une imperturbable noblesse d’images une aventure vulgaire. Ainsi le poéte de Modéne a su se constituer un domaine qui lui appar- tient en propre, et ou il devait avoir peu d’imitateurs. A peine peut-on citer le Malmanlile racguistato du Flo- rentin Lorenzo Lippi (1606-1664), qui vaut surtout par la richessc et la saveur d’une élocution purement toscane. Tassoni d’ailleurs a fait preuve d’un talent original dans la création de certains personnages, comme le grotesque comte de Culagna, fanfaron et léche, sot et présomptueux, auquel il a donné un relief et une vie intense. Il est facheux d’avoir a constater que cette énorme caricature a été inspirée a l’auteur par une rancune particuliere contre le comte Alessandro Brusantini, et que, pour ce motif, la plaisanterie généralement bon enfant dc l`auteur s’est transformée, a cette occasion, en sarcasme violent et haineux. La satire se méle donc dans une certaine mesure a la conception du poéme héroi-comique de Tassoni, satire personnelle surtout, mais parfois aussi satire des mmurs. Et certes peu d’époques eussent été plus propres 51 inspirer un Juvénal; mais la vigueur, autant que l’auto- rité morale, faisait défaut aux poetes pour réussir dans