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LITTÉRATURE ITALIENNE

docteurs de Sorbonne. Car si les grands Italiens du Moyen Age furent des mystiques, ils ne cessèrent pas pour cela d’avoir pleinement conscience des réalités de la vie : saint François ne fut pas un théologien ; sa piété chercha dans les spectacles de la nature un aliment plus substantiel que dans les définitions et les syllogismes de l’école ; son apostolat trouva une justification suffisante dans l’allégement qu’il apportait aux misères humaines, et sa parole ardente puisait son efficacité et sa poésie dans ce contact intime avec la réalité.

La civilisation italienne ne fut pourtant pas entièrement rebelle à la philosophie scolastique : saint François ne doit pas faire oublier saint Thomas, et chacun sait quels secours fournit la « Somme » pour l’exacte interprétation de la pensée d’un Dante. Mais cette influence scolastique fut superficielle ; elle ne modifia pas profondément l’orientation des esprits, et resta presque sans effet sur l’art et la poésie. C’est de leur réalisme inné, c’est aussi des exemples de l’antiquité, étudiés avec une inlassable persévérance, que les Italiens tirèrent leurs premières inspirations vraiment originales. La Divine Comédie, l’œuvre la plus médiévale et la plus scolastique de toute cette littérature, en est une preuve éclatante. Nulle part on ne trouve plus clairement affirmé ce que j’appellerai la conscience romaine du peuple italien : Rome est à la cime de toutes les préoccupations du poète ; c’est la ville élue de Dieu. Dante ne met son espoir dans un empereur germanique, comme Henri VII, que parce qu’il peut saluer en lui le seul héritier légitime des Césars ; s’il maudit les gens d’Église et les papes, c’est que ce sont des usurpateurs, qui veulent empiéter sur l’autorité du chef établi par Dieu même pour gouverner le monde : l’empereur de Rome. Dans les citoyens