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LES GKANDS Pmicunsuuns DE LA RENAISSANCE 133 II V Quand on lit les vers de Pétrarque, c’est a Laure que va d’abord toute I’attention. On ne saurait guere échapper I1 cette impression; et pourtant, a regarder de pres, ce n’est la qu’une curieuse illusion d’optique. Il est bien vrai que tous ces sonnets, ces canzoni, ces sextines, ces ballades et ces madrigaux, sauf` une trentaine sur plus de trois cent soixante pieces, parlent constamment de Laure, de ses yeux brillants cr qui dissipent les ténebres autour d’elle », de ses Joues qu’anime une douce rou- geur, de sa a bouche angélique, pleine de perles, de roses et de suaves paroles »,_de ses mains fines et blanches, de sa démarche, de son sourire, de son salut et de ses larmes; nous la voyons passer en bateau, puis en voiture; _ la voici dans un décor printanier au pied d’un arbre dont les fleurs pleuvent autour d’elle; ou bien elle se présente devant un grand personnage, de passage a Avignon — sans doute l’empereur Charles IV de Luxembourg, peu avant son élection, — et, distinguée entretoutes par le noble visiteur, elle regoit de lui un baiser; ici elle so montre gracieuse et riante; la nous la voyons soucieuse, affligée, et son doux visage porte les traces de la maladic. Elle est donc partout; mais le résultat le plus clair de cette ubiquité est peut-étre qu`elle n’apparait nulle part sous une f`orme complete et definitive : c’est un profil vague et fuyant, une ombre obsédante et insaisissable. Tous les traits charmants qu’accumule le poete pour la peindre demeurent épars : ils ne se rejoignent pas. Nous apercevons une série d’attitudes; nous ne réussissons pas it évoquer une image concrete, un portrait en pied de Laure. Non seulement nous ignorons qui elle f`ut dans la