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pour subir de nouvelles transformations; et l’on ne sait laquelle de ces visions est la plus farouche.

Les divers personnages avec lesquels s’entretient le poete ont de même une individualité bien marquée. Loin d°en faire des types généraux, expressions abstraites de telle ou telle disposition morale, Dante les a transportés tout palpitants de vie dans le monde des morts, sans rien atténuer de leurs traits les plus particuliers; et l’humanité de tous les temps se reconnait dans ces profils dessinés d’apres nature. Car ce sont des profils plutot que des portraits curieusement fouillés : l’analyse psychologique, telle que la pratique l’art dramatique moderne, n°est pas le fait de Dante. Celui-ci n’a cherché a saisir qu`un aspect du caractère de ses personnages, et il l’a rendu avec une grande force, on les immobilisant dans une attitude, dans un geste, dans un mot qui dit tout ce que nous avons a savoir d’eux. L’épisode de Françoise de Rimini est a cet égard fort remarquable : ne demandons pas au poéte de nous expliquer longuement qui est Françoise et qui est son amant, dans quelles circonstances ils se sont aimés, a quelles luttes tragiques a donné lieu cet amour, et comment ils ont été punis. Tout cela n’est qu’indiqué par de très vagues mais éloquentes allusions ; la chronique et la légende nous racontent le reste, et c’est presque dommage : il suffit a Dante de nous dire que Françoise a aimé de toute son éme, qu’elle est morte de son amour, et qu’elle a emporté intacte dans l’autre monde cette passion, qui est a la fois sa joie et son tourment ; de son histoire, un seul détail est clairement rappelé, c’est le baiser de Paolo ; ses paroles ne sont qu’un hymne a l’amour : pas un mot de remords, à peine une allusion amère à leur bourreau. Personnification absolue de la passion souveraine, immobilisée dans une étreinte