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torique la plus effrontée, par amplification, par énumération des parties, par répétition, par oppositions, par antithèses, surtout par délayage effréné ; mettez tous ces discours dans la bouche de Napoléon II et de quelques-uns de ses serviteurs et même de ses ennemis, pêle-mêle ; — et, sauf quelques traits heureux, quelques images éclatantes et neuves, pas très nombreuses, que M. Rostand a trouvées et que vous ne trouveriez pas, vous avez l’Aiglon.

De pièce, du reste, point ; de marche d’un point à un autre, pas de trace ; de progression d’intérêt, aucune ombre. La pièce donne l’idée du piétinement continu d’un homme qui parlerait intarissablement, sans bouger de la longueur d’une semelle. Et ce ronron continu de rhétorique implacable, qui gronde et roule pendant ce temps-là ; ces avalanches de développements qui glissent tout autour de moi des hautes montagnes avec un fracas monotone de tonnerre infatigable ; cette marée implacable de phrases poussant les phrases, qui monte vers moi, qui va m’engloutir…, que dis-je ? il y a longtemps que j’en ai par-dessus la tête.

… Je ne puis pardonner à l’auteur le redoutable entassement verbal qui est le fond même de son œuvre. De temps en temps, dans cette brousse touffue, un vers éclate, charmant, métaphore neuve et fraîche, fleur exquise d’imagination, toujours un peu précieuse, mais facile et souriante. Et c’est un plaisir très vif ; mais je vous assure que, chaque fois, je l’ai payé un peu cher.

Et surtout ce qui me navre, c’est l’absence complète d’évolution de caractère. Il ne pouvait y avoir que cela dans un drame sur Napoléon II ; mais il devait y avoir cela. Le prince ne devait pas être à la fin ce qu’il est au Commencement, et c’est ainsi qu’il pouvait y avoir un drame, un drame psychologique, à défaut de drame d’action. Or, le prince est sensiblement le même à chaque acte. Il oscille de la faiblesse à la fougue, oui ; mais de ta fougue à la faiblesse il oscille au premier, au deuxième, au troisième, au quatrième et au cinquième acte. Oscillation continue et loquacité perpétuelle, hésitant et phraseur toujours, phraseur et hésitant à perpétuité, tout son caractère est là. Au commen-