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INTRODUCTION

INTRODUCTION

xvii" siècle jusqu’à nos jours, sont indiques dans le Traité de la formation de la langue, en même temps que ceux qui ont affecté la prononciation. Mais on a cru devoir appliquer à tous les exemples cités, à partir du xvn" siècle, l’orthographe usitée de nos iours, suivant l’usage généralement adopté dans les éditions classiques de nos grands écrivains. En conservant à chaque auteur l’orthographe de son temps, ou, pour mieux dire, l’orthographe souvent arbitraire de ses éditeurs, on aurait dérouté le lecteur et enlevé au Dictionnaire son caractère d’utilité pratique. Au contraire, pour tous les exemples de l’ancienne langue qui servent à établir l’étymologie et le sens primitif des mots, on a gardé l’orthographe des textes originaux, même lorsqu’ils se trouvent cités dans le corps de l’article.

Tel est le travail que nous présentons au public. Nous adressant aux Français comme aux étrangers , aux lettrés comme aux gens du monde , nous nous sommes efforcés, pour tous les mots que contient le Dictionnaire, d’établir la signification primitive fondée sur l’étymologie et les sens intermédiaires qui conduisent au sens propre ; de suivre le sens propre dans son développement historienne, sans perdre de vue l’idée qui relie logiquement entre elles les acceptions dérivées ou figurées ; de déterminer au moyen de cette idée leur succession et leur filiation ; de confirmer par des exemples courts et décisifs l’étymologie, la définition et le classement des sens. Rattacher ainsi la langue actuelle à ses origines, ce n’est pas seulement en donner une intelligence plus complète, c’est encore aider à conserver intactes la propriété et la pureté de l’idiome national, en établissant une démarcation tranchée entre les transformations régulières, conformes aux qualités de l’esprit français, qui modifient la langue sans lui faire violence, et les altérations qui tendent à la déformer. Enfin, si le langage est la traduction de la pensée, si les changements que subissent les mots sont l’expression des changements que subissent les idées, de telle sorte que la langue d’un peuple soit l’image fidèle du mouvement des esprits aux différentes époques de son histoire, un dictionnaire de ce genre, où les significations successives des mots employés durant trois cents ans sont soumises à une analyse rigoureuse , fait connaître , en même temps que l’état de la langue , l’état de la pensée ; il présente en quelque sorte, du xvii^ siècle au xix°, un tableau de l’esprit français, que peuvent interroger ceux qui demandent à la philosophie du langage des enseignements sur l’histoire et le progrès de la civilisation. Yoilà ce que nous avons essayé de faire. Dans quelle mesure y avons-nous réussi ? Le plan que nous nous étions imposé nous a forcés plus d’une fois à prendre parti dans des cas douteux, à établir des classements incertains, là où l’étymologie était incertaine. Chaque mot est un problème à résoudre : il fallait apporter une solution ; quels qu’aient été nos scrupules, on trouvera parfois que nous avons été téméraires. Comme il ne s’agit pas ici d’une œuvre de compilation où des faits sont réunis et classés plus ou moins artificiellement, mais d’une œuvre d’interprétation scientifique, le progrès de la science nous amènera à corriger sans cesse ce travail incomplet ; telle de nos assertions sera contredite par la découverte de nouveaux faits. Nous ne nous dissimulons donc nullement l’imperfection de notre œuvre ; notre seule espérance a été de nous approcher du but autant que pouvait le permettre l’état actuel des connaissances philologiques.

Il nous reste à dire, en terminant, tout ce que nous devons aux précieux travaux de nos devanciers : au Glossaire de Du Cange ; au Dictionnaire historique de LaCurne de Sainte-Palaye ; à celui de Godefroy, plus riche et plus complet ; aux Dictioîinaires anciens de Cotgrave, de Nicot, de Furetière, de Richelet, de la Société de Tré-