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INTRODUCTION

INTRODUCTION

vu

delà de la fin du xv !" siècle, lorsqu’il s’agit d’expliquer des mots ou des tours modernes dont on ne saurait rendre raison sans revenir au passé. Mais ce n’est pas seulement à l’ancien français et à ses sources directes que nous demandons l’explication du français moderne. Le Las latin, trop négligé jusqu’ici, apporte aussi de précieux renseignements sur les origines de l’usage actuel. Si notre langue, pour la constitution de sa grammaire et pour une partie de son lexique, sort du latin populaire des Gaules, elle a subi pendant tout le moyen âge l’intluence du bas latin, cette langue nouvelle que la théologie et la scolastique ont tirée du latin classique, en le modifiant pour l’approprier aux besoins nouveaux de l’esprit, et dans laquelle ont écrit les penseurs et les philosophes les plus éminents de cette époque. Si nous comparons le bas latin au latin de Cicéron et de Tite-Live, nous ne pouvons y voir qu’une langue corrompue ; si nous le considérons en lui-même, cette continuation barbare du latin classique est à la fois une langue originale, qui sert à traduire des idées, des sentiments jusqu’alors inconnus, et une des sources du français moderne, en ce qui concerne l’expression des idées abstraites, philosophiques, religieuses, scientifiques, juridiques. Tantôt il introduit dans la langue tout un ensemble de mots : agens, l’agent ; œitecedens, l’antécédent ; esse, l’être ; carnalis, charnel ; habitualis, habituel ; convictio, conviction ; glorifie atio , glorification ; mortifieatio ,

mortification ; immaterialis, immatériel, etc. Tantôt il y apporte des sens nouveaux : abnegatio (en latin refus), abnégation, sacrifice de soi-même ; devotio (en latin dévouement), dévotion ; confessio (en latin aveu), confession, aveu des péchés au prêtre ; œdificatio (en latin action de bâti ?’) , édification ; peregrinus (en latin étrange ?’) ,

pèlerin ; medianwn (en latin milieu), moyen ; commtinicare (en latin communiquer), communier ; abstractio (en latin retranchement), abstraction ; abstractum (en latin chose retranchée), l’abstrait ; concretum (en latin solidifié), le concret ; individuus (en latin indivisible), l’individu, etc.

La méthode historique fait ainsi connaître les changements par lesquels chaque mot a passé et les causes particulières qui ont amené ces changements. IV.

Mais le Dictionnaire ne peut expliquer les lois générales qui ont dominé l’action de ces causes particulières. L’exposition de ces lois est l’objet d’un Traité de la formation de la langue qui sera placé en tête de l’ouvrage. La première partie de ce traité indique les sources diverses du lexique français. C’est d’abord le fonds primitif des mots du latin populaire, accru des éléments étrangers, celtiques, germaniques, slaves, espagnols, italiens, sémitiques, etc., que les

relations de la France avec les autres peuples ont importés dans la langue, depuis ses origines. A cette masse de mots indigènes ou naturalisés, soumise aux lois de la dérivation et de la composition populaire, vient s’ajouter un vocabulaire nouveau, créé non plus par le peuple, mais par les lettrés, et composé de mots de formation savante, que les clercs du moyen âge ont empruntés au bas latin, les humanistes au latin classique, les savants de la Renaissance ou des temps modernes au latin et au grec classiques, suivant les procédés des langues anciennes. Telles sont les diverses couches de formation qui, se superposant en quelque sorte, ont produit le vaste ensemble de la langue moderne et dont nous étudions tour à tour l’influence sur la forme extérieure des mots et sur leur signification.

Ce n’est là que le commencement de la tâche ; les mots, en effet, sont formés de sons qui varient selon les temps et les lieux ; ils subissent des flexions grammaticales ; enfin ils se combinent de façons diverses pour former des phrases. La deuxième partie du traité a pour objet les lois phonétiques qui ont modifié par degrés la prononciation. Dans la diversité des changements qui ont atteint les mots du latin populaire et