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une grande fermentation à la Cour. Le duc de Praslin, comme ministre des affaires étrangères, tenait pour la Gazette littéraire ; le Journal des Savants avait pour lui le duc de Choiseul. Les deux ministres prenaient la chose fort à cœur, et la Cour était divisée. L’abbé de Voisenon, qui sentait combien cette mésintelligence pouvait faire de tort aux lettres, crut devoir se rendre à Compiègne, où était la Cour, comptant sur le crédit dont il jouissait auprès des deux ducs pour amener un rapprochement. Enfin la Gazette triompha, grâce à des changements survenus sur ces entrefaites dans l’administration de la librairie, et elle commença à paraître dans les premiers jours de mars 1704 ; elle sortait de l’imprimerie de la Gazette de France.

Mais le succès fut loin de répondre à ce qu’avaient espéré les uns, à ce que redoutaient les autres, et ce haut protectorat, qui devait faire la fortune de la Gazette littéraire, est peut-être ce qui a le plus nui à sa réussite. Les lettres, comme le commerce, n’ont besoin, pour prospérer, que de faveur et de liberté, et se passent très-bien de grâces particulières, qui souvent ne font que gêner.

« Si les intentions du ministre méritent des éloges, disait Grimm à ce sujet, il faut dire aussi que le caractère de réserve, de circonspection et de décence, qui est nécessaire à tout ouvrage qui paraît sous ses auspices, nuira infailliblement à la liberté,