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meur ou l’esprit de vengeance l’entraînaient souvent dans d’injustes écarts. C’est ainsi que, pour me servir de l’expression de M. Sainte-Beuve, il compromit étrangement sa chasteté lyrique en se prenant au collet avec Fréron, qu’il poursuivit d’une haine presque égale à celle de Voltaire. Voici les motifs de cette grande animosité :

Le Brun, ayant rencontré, en 1760, une petite-nièce de Corneille, l’avait recommandée à Voltaire dans des strophes inégales, mais senties, animées d’un souffle généreux, et d’une assez belle emphase. Fréron critiqua cette ode dans des termes peu mesurés : il lui en était passé beaucoup par les mains, disait-il ; il n’en avait encore jamais lu d’aussi mauvaise que celle-là. Il finissait par renvoyer l’auteur à un cours de langue française, en lui indiquant l’adresse d’un professeur. Quant à ce qui était de Voltaire et de son entourage : « Il faut avouer, disait-il, qu’en sortant du couvent, mademoiselle Corneille va tomber dans de bonnes mains. »

Je laisse de côté la colère de Voltaire sur ce propos, qu’il jugeait digne du carcan. Celle de Le Brun ne fut pas moindre. Il conçut à l’instant l’idée de plusieurs pamphlets ou diatribes à opposer aux feuilles de Fréron. Il lança coup sur coup, en 1761, la Wasprie et l’Âne littéraire, qu’il répandit à profusion. On dit qu’il fut aidé par son frère, ce qui est possible, mais c’est à tort que