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Cela sort-il de chez madame Doublet ? Au reste, sa réputation avait un peu dégénéré de ce côté en vieillissant, elle avait perdu beaucoup de ses amis du premier mérite, et avait survécu à toute sa société habituelle. M. de Bachaumont est le dernier philosophe qu’elle ait vu mourir.

Il est difficile qu’au milieu de ce savant tourbillon qui l’entourait, madame Doublet ne passât pas pour être un peu entichée de déisme, de matérialisme, et même d’athéisme. Elle avait bravé jusque-là l’opinion publique et les clameurs des dévots. Depuis le carême dernier, la tête de cette dame s’affaiblissait. M. le curé de Saint-Eustache avait cru qu’il était temps de convertir sa paroissienne. Celle-ci n’était plus en état d’argumenter contre lui, et, avec le secours de la grâce, le pasteur s’était flatté d’avoir réussi. En effet, elle avait reçu le bon Dieu la semaine sainte, pratique de religion que personne de sa connaissance ne se rappelait lui avoir vu faire. On conçoit aisément qu’avec de pareils préparatifs, elle n’a pu qu’éprouver une mort très-édifiante et s’endormir dans le Seigneur.


Suivant d’autres témoignages, conservant jusqu’au bout la passion de sa vie et sa bonne humeur, elle serait morte en demandant qu’on lui apportât des nouvelles fraîches, pour en régaler ses amis de l’autre monde.


Bachaumont avait précédé de quelques jours seulement sa vieille amie dans la tombe. Président du salon de madame Doublet, les Nouvelles à la main avaient été jusqu’à son dernier jour sa grande affaire. Avant de mourir, il avait choisi lui-même son successeur, Pidansat de Mairobert, attaché comme lui à la secte des philosophes, des encyclo-