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Vous voudrez bien, Monsieur, faire venir chez vous le faiseur de bulletins ridicules, et lui dire que vous le ferez mettre au cachot s’il s’avise de faire paraître aucune feuille qui n’ait pas été revue de la part de la police. Rien n’est plus indécent, et si contraire à l’ordre public, que de souffrir de pareils distributeurs de nouvelles ; l’intention du roi est, Monsieur, que vous réprimiez avec sévérité cette liberté indécente… Monsieur le prince de Beauvau demande avec raison la rétractation de l’article du bulletin qui se fait chez madame d’Argental. Comme il est fait à tous égards pour obtenir toutes les satisfactions qu’il peut désirer, je vous serai obligé de concerter avec lui moyens de lui donner celle qu’il demande dans cette occasion.

Duc de Choiseul.


Le rédacteur domestique fut mis en prison, et le prince de Beauvau, en demandant sa grâce, crut faire un acte de clémence.

Madame Doublet mourut dans l’impénitence finale, à l’âge de 94 ans. Voici en quels termes les Mémoires secrets en firent l’oraison funèbre (16 mai 1771) :


Madame Doublet est morte ces jours-ci, âgée de 94 ans. C’était une virtuose dont madame Geoffrin n’est qu’une faible copie. Depuis 60 ans, elle rassemblait dans sa maison la meilleure compagnie de la Cour et de la ville, et passait sa vie à former un journal bien supérieur à celui de l’Étoile et autres ouvrages du même genre. La politique, les belles-lettres, les arts, les détails de société, tout était de son ressort. Elle s’abaissait du cèdre jusqu’à l’hysope. Tous les jours on élaborait chez elle les nouvelles courantes, on en rassemblait les circonstances, on en pesait les probabilités, on les passait, autant qu’on pouvait, à la filière du sens et de la raison ; on les rédigeait ensuite, et elles acquéraient un caractère de vérité si connu que, lorsqu’on voulait s’assurer de la certitude d’une narration, on se demandait