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Toutes ces menaces-là n’effrayaient pas madame Doublet, qui voulait toujours parler pour se bien porter ; mais ce qui l’étonnait, c’était la connaissance prompte que le gouvernement avait de ce que disaient ses amis dans son cercle étroit. Elle ne se doutait pas que Charles Defieux, chevalier de Mouhy, de l’académie de Dijon, celui qui a fait la Paysanne parvenue, les Mémoires d’une Fille de qualité, les Mille et une Faveurs, le Masque de Fer, les Tablettes dramatiques, avait encore le talent d’écouter à toutes les portes. Il écrivait à la police le 9 mars :


Quoique ma santé ne me permette pas trop encore de faire de longues courses, je me suis donné hier beaucoup de mouvement pour exécuter vos ordres, bien fâché de n’avoir pu en découvrir davantage. Il est très-vrai que la maison de madame Doublet est, depuis longtemps, un bureau de nouvelles, et ce n’est pas la seule : ses gens en écrivent et en tirent bon parti. Je n’ai pu savoir le nom d’un grand et gros domestique, visage plein, perruque ronde, habit brun, qui, tous les matins, va recueillir dans les maisons, de la part de sa maîtresse, ce qu’il y a de neuf. Il serait difficile de savoir les noms de ceux qui vont dans cette maison ; ce sont tous des frondeurs ; en femmes : mesdames d’Argental, Rondet de Villeneuve, du Bocage, de Besenval, etc. ; en hommes : MM. Foncemagne, Perrin, deux médecins, Devaur, Firmin, Mérobert, d’Argental, etc. Je ne réponds point de cette liste : ce n’est qu’avec le temps qu’on parviendra à être sûr des liaisons de cette femme. Il faudrait avoir des gens qui bussent avec des domestiques de confiance ou mécontents ; mais ce qui est certain, c’est que madame d’Argental tient aussi même bureau de nouvelles, qu’elle est l’intime amie de madame Doublet, comme M. le chevalier de Choiseul ; qu’un nommé Gillet, son valet de chambre, est à la tête du bureau tenu par les laquais ; que l’on