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chanter, dans nos litanies, il y a bien longtemps, le verset : A compilatoribus libera nos, Domine, s’il y avait encore une étincelle de religion en France. »


Servez d’antiques mets sous des noms empruntés
À l’appétit mourant des lecteurs dégoûtés.
(Voltaire.)


Telle est, dit La Harpe[1], la devise de nos infatigables manœuvres de librairie. Toutes les productions qui sortent de nos presses ne sont presque que des bibliothèques retournées. L’un de ces grands compilateurs, feu l’abbé de La Porte, qui avait fait une espèce de fortune sans aucune dépense d’esprit, disait fort bien : « Il n’est pas nécessaire de faire des livres ; il suffit d’en imprimer. » Et depuis lui la méthode s’est bien perfectionnée. On ne fait que nous redonner sous de nouveaux titres ce que les gens instruits ont vu partout, et toujours avec des avertissements pompeux et des préfaces fastueuses qui nous promettent des merveilles. »

« L’abbé de La Porte est mort il y a quelque temps, dit-il ailleurs[2], sans qu’on fît beaucoup plus d’attention à sa mort qu’on n’en avait fait à sa vie. C’est pourtant un homme qui a fait imprimer quantité de livres : non qu’il fût auteur de beaucoup d’ouvrages ; mais il est un des premiers qui aient imaginé ces compilations de toute espèce qui ont mis presque toute notre librairie en dictionnaires,

  1. Correspondance littéraire, let. 247.
  2. Ibid., let. 121.