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soutint ce revers avec calme, et de ses doigts délicats elle fournit longtemps aux besoins du petit ménage. De Latour, de son côté, se mit à l’affût des expédients. La guerre d’Amérique occupait alors tous les esprits, on craignait aussi une rupture avec la France ; cette contrée était avide de nouvelles, et cette avidité devait encore redoubler si la guerre venait à se déclarer. Cette idée conduisit de Latour au projet d’une gazette qui serait composée en français à Londres, et distribuée en France.

Il s’adressa à Swinton, qui était alors en grande réputation parmi les Français, qu’il aidait de sa bourse, et qu’on recherchait, quoique les conditions de son obligeance fussent très-onéreuses. C’était une sorte de chevalier d’industrie, d’une honorabilité très-problématique. Sa maison était le rendez-vous des Français les plus décriés ; il était le correspondant de Beaumarchais et presque l’esclave de l’infâme Morande, qui, connaissant sa vie, se servait de cet avantage pour lui soutirer de l’argent quand il tombait dans le besoin, et cela lui arrivait souvent. Swinton, en effet, avait fait tous les métiers pour vivre, et on l’accusait d’avoir gagné sa fortune, soit frauduleusement au jeu, soit en prêtant à une grosse usure, surtout aux jeunes seigneurs français qui venaient prendre à Londres des leçons d’anglomanie, soit en exerçant mille sortes d’industries peu honorables. Ainsi, tout à la