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Mais il ne devait pas longtemps se tenir parole à lui-même ; à chaque instant il ramène sa personnalité sur la scène. Il sent ce que cela a de fâcheux, de peu digne, et il s’en irrite davantage.


Combien, s’écrie-t-il, combien n’est pas cruelle la position d’un homme compromis sans cesse par des inculpations iniques ! S’il se tait, ses ennemis en triomphent ; ils argumentent de son silence, et en concluent hardiment que c’est l’équivalent d’un aveu. S’il parle, s’il confond l’imposture, ils l’accusent d’égoïsme et d’orgueil, et trouvent moyen par là de le rendre plus odieux au milieu de son avantage qu’il ne l’était avant la destruction des soupçons dont il s’est lavé.

Quelle est donc la ressource de l’innocence calomniée ? Ce n’est pas tout d’ailleurs : non seulement on fait en sorte que la patience et la justification lui deviennent également dangereuses ; mais on réussit encore à les rendre, l’une et l’autre, également inutiles. Quiconque est en butte à des ennemis adroits et ardents, comme la haine l’est toujours, ne doit point s’attendre à voir jamais les préjugés appuyés par eux absolument détruits : on n’acquiert, en se défendant avec opiniâtreté, que le renom d’un homme plein de soi-même. Le public ne se lasse jamais de l’attaque, et il s’en souvient toujours ; il se dégoûte bientôt de la réfutation, et il l’oublie sur-le-champ ; il ne tarde pas à faire un crime à la vérité d’être aussi infatigable que le mensonge, il n’accorde qu’à celui-ci le droit de se répéter impunément…


C’est ainsi, dit-il, que ses détracteurs ont persuadé à tout le monde qu’il était un caractère violent, un écrivain satirique, un censeur sans égards, qui ne se plaisait que dans des guerres injustes, et qui les commençait toujours ; qu’après avoir réussi à le faire passer pour un cerveau bouillant que rien ne