Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 3.djvu/387

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Peut-être y a-t-il des hommes assez lâches pour s’imaginer avoir un intérêt pressant à la soutenir ; mais le roi n’en a aucun ; mais ce que ses conseils et sa cour contiennent d’hommes honnètes n’en ont pas davantage ; mais de quel front, à quel titre, les autres demanderaient-ils à un monarque vertueux de se porter pour le défenseur de leurs barbaries, à des coadministrateurs intègres et humains de s’en déclarer les complices, en aidant à en supprimer le tableau ?

Diront-ils que ce sont des mensonges ? Je les en défie. Sans nier que ce soient des vérités, insinueront-ils qu’elles sont dangereuses ? Ils n’oseraient.

Et où est le danger de fournir à un prince bienfaisant l’occasion de faire le bien ? Et où est le danger de révéler à un roi ami de la justice et de sa propre gloire des horreurs qui ne cessent de violer l’une, et qui flétriraient l’autre s’il n’était pas démontré qu’ils les ignore ? La Bastille est-elle un des fondements de son trône ? Est-ce une des dépendances de sa couronne dont il ne lui soit pas permis de changer la constitution ? Ces cachots sont-ils inamovibles, comme les siéges des conseillers en parlement ? Oserait-on dire au modérateur suprême de la justice et des lois qu’il ne règne que parce qu’il existe dans son royaume un moyen assuré de se défaire successivement de tous ses sujets, sans même qu’il le sache ?

La Bastille peut quelquefois contenir des secrets de l’État ; mais le régime abominable qui s’y perpétue n’en est pas un ; et, comme on le verra, c’est ce régime que j’attaque. Pour l’honneur des ministres, j’aime à croire qu’il ne subsiste que parce qu’il n’est pas connu même d’eux. La publicité qu’il va recevoir ne pourrait les inquiéter qu’autant que le gouvernement aurait pris la résolution fixe et immuable de ne pas le réformer, même en le connaissant, et, en vérité, je crois que ce serait un crime de le supposer.

Les ministres feront ces réflexions ; quand ils ne les feraient pas, le roi les fera. Sa Majesté est trop familiarisée avec la lecture des Annales pour supposer, quelque chose qu’on lui dise, ou quelque sujet que je traite, qu’elles puissent rien contenir de